Et si le pont Colbert disparaissait…
Le député maire Edouard Leveau a relancé le débat. Faut-il remplacer le pont tournant ? La Région qui va reprendre la gestion du port penche pour cette option. Réactions.
Cela ressemble fort à un serpent de mer… Combien de fois les Dieppois ont entendu dire que le pont tournant métallique construit en 1889 et reliant Dieppe à Neuville-lès-Dieppe pourrait être remplacé ? Ils ne savent sans doute plus… Le député maire de Dieppe a jeté un nouveau pavé dans la mare, samedi dernier, à l’occasion du vernissage d’une exposition au château-musée. « Le remplacement du pont Colbert est une prévision possible, déclare Edouard Leveau. Il y a un moment où les matériaux ne peuvent plus être réparés. Même si le mécanisme fonctionne toujours très bien, il est de plus en plus fragile. »
Deux options sont envisageables : la rénovation du pont existant ou le remplacement par un autre plus moderne. « Une restauration coûterait très cher, assure Edouard Leveau. Par ailleurs, elle demanderait près d’un an de travail impliquant d’importantes perturbations pour les usagers. En revanche, si on amenait un nouveau pont par barge, un pont tournant également j’espère, cela ne prendrait pas plus de deux semaines pour l’installation. La solution apparaît évidente si on ne veut pas pénaliser les Dieppois. »
« On a bien conservé la Tour Eiffel »
Le conseil régional de Haute-Normandie reprendra la compétence du port de Dieppe à partir du 1er janvier prochain. Il aura alors à se prononcer sur l’avenir du pont Colbert, dont l’entretien dépend encore aujourd’hui de l’Etat (direction départementale de l’équipement). La Région semble déjà avoir fait son choix. « L’Etat aurait dû financer des travaux en 2006 sur le pont. Elle n’a pas versé un sou. Il n’y a donc pas eu de travaux, explique un proche collaborateur du président Alain Le Vern. Nous nous sommes déjà penchés sur cette question. Une étude pour la reconstruction est en cours. Nous nous dirigeons donc vers un remplacement. »
Une annonce qui fait l’effet d’une bombe chez de nombreux Dieppois souvent attachés à une construction qui fait partie du patrimoine même s’ils ont du mal à y croire. « Cela fait vingt ans que nous entendons parler de son remplacement, soupire David Raillot, président de l’association les Polletais. Ce n’est pas raisonnable. C’est comme si on disait qu’on va raser le château-musée parce qu’il n’a pas d’accès handicapé… On a bien conservé la Tour Eiffel. Pourquoi ne garderait-on pas le pont du Pollet ? »
Pièce de musée
Véritable trait d’union entre Dieppe et Neuville, le pont Colbert fait partie de la vie des habitants. Il est aussi un élément important du patrimoine de la ville. « Il est, avec celui de Marseille, l’un des deux seuls survivants des ponts tournants, signale Julien Deschamps, un Dieppois de souche. Je crois que les habitants y sont vraiment très attachés. »
A l’incompréhension pourrait succéder la colère. « Je l’ai vu tourner ce matin. Il m’a l’air très en forme, assure David Raillot. Le pont est un symbole de la ville. Il faut qu’ils le laissent où il est ! Ou bien qu’ils nous démontrent qu’il n’est plus au norme et qu’il est impossible de le conserver. Si ce n’est pas le cas. Nous allons réagir (voir par ailleurs). »
L’éventualité de conserver le pont Colbert quelque part dans la ville comme une pièce de musée ne rassure pas le président des Polletais. « Si on estime que son entretien coûte cher alors qu’il fonctionne, on ne voit pas bien pourquoi on l’entretiendrait s’il n’est plus en service, craint David Raillot. On ne va quand même pas faire payer les gens pour le visiter… Il tombera dans l’oubli, rouillera et disparaîtra. »
Un scénarion catastrophe que redoutent bien des Dieppois.
Sébastien.Canu. Paris-Normandie du vendredi 1 décembre 2006